On compte encore peu d'entreprises françaises du secteur de l'Internet sur le marché chinois. L'implantation de Meetic, en 2006, est certainement celle qui a recueilli le plus d'écho. Le site de rencontre est présent sur les PC et les mobiles chinois avec Yeeyoo.com depuis début 2006, grâce au rachat pour 20 à 25 millions de dollars de 70 % de son propriétaire, eFriendsnet. Le site s'est depuis lancé avec sa propre marque, en juillet dernier. Yeeyoo compte 10 millions d'inscrits, et Meetic s'apprête à signer avec un premier grand partenaire, China.com, le cinquième plus gros portail chinois. "Le lancement en Chine était un pari risqué, mais c'est un pari sur le long terme. C'est un marché dont on ne peut pas être absent", explique Marc Simoncini, PDG de Meetic. Selon une étude de iResearch publiée au printemps 2006, le marché de la rencontre en Chine, pays où les hommes sont plus nombreux que les femmes, devrait atteindre 65 millions d'euros en 2008. Et si la société a choisi de racheter un site décliné sur mobile, c'est que l'on compte aujourd'hui 465 millions de détenteurs d'un téléphone portable dans l'Empire du Milieu.
Plus récente, l'arrivée du réseau social professionnel Viadeo (ex Viaduc), qui a pris au dernier trimestre 2006, grâce à sa levée de fonds de juin dernier, une participation minoritaire dans Tianji, le numéro un local. Tianji, créé fin 2004, dispose d'une base de 800.000 membres en Chine et à Taiwan, et en prévoit 2,5 millions fin 2007. En comparaison, Viadeo compte 1 million de membres, et devrait en enregistrer 2 millions à la fin de l'année. Viadeo travaille actuellement à la mise en place d'un lien technique entre les plates-formes européennes et chinoises, ce qui permettra dès le mois de mars aux membres du monde entier de faire des recherches en anglais sur les deux bases.
Mais le secteur qui semble le plus attirer les Français est celui de la publicité et de la communication. La régie externe Hi-Media a ouvert des bureaux à Shanghai et Canton en octobre 2005. Hi-Media Chine, qui emploie une quinzaine de personnes, représente un réseau de plus de 200 sites, qui génèrent environ 200 millions de pages vues et 25 millions de visiteurs uniques par jour. L'agence interactive Nurun est arrivée en janvier 2006, en rachetant l'agence locale China Interactive, qui lui apportait un portefeuille de marques internationales actives sur le Web chinois.L'agence de communication et de marketing services Reflexgroup dispose d'un bureau à Shanghai et Hong Kong. Quant à Business Interactif, active sur le marché chinois depuis 2001 via son bureau Japonais, son implantation à Shanghai date du premier semestre 2005.
Business Interactif a choisi d'ouvrir un bureau sur place afin de pouvoir accompagner la stratégie de communication de ses grands comptes dans le pays, à l'image de L'Oreal, en leur faisant bénéficier de ses contacts locaux (FAI, régies, éditeurs). "Notre positionnement en Chine est relativement similaire au positionnement en France, indique Thomas Chabrières, directeur de BI Chine. C'est celui d'une agence intégrée. Nous accompagnons nos clients dans la définition de leur stratégie marketing, nous travaillons beaucoup sur les problématiques de référencement naturel, de SEM, de création de trafic. Actuellement, nous concentrons nos efforts sur la collecte d'e-mails afin de construire une base de données qui sera exploitable pour nos grands-comptes internationaux." La filiale gère ainsi une dizaine de budgets internationaux, s'apprête à signer avec son premier client chinois, et atteindra la rentabilité cette année.
Le marché chinois de la publicité en ligne à de quoi attirer les agences. Il a cru de 224 millions de dollars en 2004 à 417 millions de dollars en 2005, et 640 millions de dollars en 2006. Malgré l'importance de la fraude au clic, son potentiel reste très important puisque les dépenses en ligne ne représentent encore que 3 % du marché total de la publicité, et que selon iResearch en mars 2006, moins d'un million d'entreprises chinoises (sur 20 millions) utilisaient le Web pour faire du marketing. Par ailleurs, les acteurs nationaux, comme Allyes Information Technology, n'ont pas assis de domination écrasante, comme c'est le cas sur la plupart des autres marchés online. Enfin, les annonceurs étrangers plébiscitent le Web en Chine, car il leur permet de s'adresser à leur cible, la classe moyenne émergeante.
Pour l'instant, donc, les secteurs de la communication - entre les marques et les consommateurs ou entre internautes - sont les principaux aimants des net-entreprises françaises en Chine, qui n'y ont pas subi d'échec cuisant. Mais quelles sont leurs recettes ? Dans tous les cas, elles ont su s'appuyer sur des acteurs locaux et des intermédiaires, et s'adapter au marché local. "L'idée pour nous, en tant que réseau social, était de chercher un partenaire qui faisait le même métier, si possible leader ou numéro deux, et de prendre une participation financière avec minorité de blocage, pour ensuite créer des passerelles entre nos sites, explique Dan Serfaty, le CEO de Viadeo. Les exemples d'implantation directe, avec une marque et une interface unique, sont négatifs."
Ce modèle, largement employé par les sociétés américaines, a effectivement montré ses limites et fait déchanter eBay (qui reste derrière TaoBao), Amazon (derrière Dangdang), Yahoo et Google (loi derrière Baidu). S'appuyer de manière forte sur un partenaire local permet de bénéficier des avantages des entreprises locales : connaissance du cadre réglementaire, des méthodes de management, contenus et services adaptés, relations commerciales avec les acteurs locaux (FAI, opérateurs mobiles…). "Nous aurions pu lancer d'abord Meetic, mais cela aurait été plus compliqué, confie Marc Simoncini. Ainsi nous nous sommes appuyés sur les équipes de eFriendsnet, qui ont designé Meetic Chine et nous ont aidé à localiser le produit." Partenariat, participation financière, tous les modèles sont possibles à condition de collaborer… et de trouver les bons montages juridiques et techniques, ce qui n'est pas simple.
Mieux vaut donc s'entourer, pour négocier, et en amont pour trouver les bons contacts. "Le plus difficile est de trouver le bon interlocuteur", affirme Dan Serfaty. Son entreprise, Viadeo, a rencontré Tianji par l'intermédiaire de Ventech, l'un de ses investisseurs, qui a passé un accord avec un apporteur d'affaires chinois. Thomas Chabrières, qui a monté le bureau chinois de Business Interactif, connaissait quant à lui déjà le marché, puisqu'il est installé en Chine depuis 1999 et qu'il parle le mandarin. Il recommande par ailleurs aux entreprises candidates à l'implantation en Chine de passer par la Mission Economique ou la CCI françaises. La Mission Economique de Beijing a par exemple rédigé fin 2006 une étude qui décrit le marché de l'Internet en Chine, ses acteurs, aborde les questions de régulation, fournit des contacts utiles par secteur et dresse une liste de partenaires potentiels pour des entreprises françaises. "Dans tous les cas, il faut prendre son temps et venir sur place", ajoute-t-il.
Lisa
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